Danuta a écrit:Danuta, les bras chargés par Sonic enveloppé dans trois couvertures, vient s'asseoir à coté de Kafka qui caresse les cordes de sa guitare. Ce malin avait trouvé un canapé défoncé mais quand même utilisable ! La polonaise en eut un pincement de fierté. Il était quand même doué, ce mac de Prague. Du flair pour trouver les bonnes magouilles. Même dans ce désert.
"Kafka. Dis. T'étais cool avec tes putes ? Je veux dire... elles avaient des congés payés et accès à la médecine du travail ?"
Kafka a écrit:Avachi, en effet, sur un vieux sofa aussi défoncé que lui, le frisé gratouille, perdu dans ses réflexions solitaires, quand débarque la maman Poupée. Il lui jette un regard bienveillant, alors qu'elle s'assoie à ses côtés. Cet air, qu'il a, quand il n'est pas ronchon et qu'il ne réserve pratiquement qu'à ses camarades. Et à la question de la jolie blonde, il éclate de rire.
- Ouais, sûr ! Pis le treizième mois et la prime de noël, aussi ! Putain d'merde, Blondie... Non, ma belle, ça fonctionnait pas comme ça. On avait pas plus ça qu'un plombier qui bossait au black, tu m'suis ? Et note que j'ai dit "on"...
Il continuer de jouer, songeur.
- Après, savoir si j'étais cool, c't'à elles qu'il faudrait l'demander ! Moi, j'te dirais bien que oui... Elles étaient assez nombreuses pour bosser quand elles voulaient et assez malines pour piger toutes seules qu'il fallait toujours avoir d'la marchandise en vitrine, sans quoi les clients iraient voir ailleurs. Du coup, elles s'arrangeaient leurs congés toutes seules... Elles étaient forcées à rien, côté boulot. Quand un client dépassait la ligne rouge, j'en faisais mon affaire... Du moins pour celles qui aimaient pas qu'le client dépasse la ligne rouge... La plupart étaient des copines ou des amantes. Ou les deux. J'les connaissais, elles me connaissaient, en somme. Elles fixaient leurs tarifs toutes seules, aussi. J'prenais dix pour cent. Pour les maladies, j'connaissais un Doc compétent et discret... Elles bossaient avec capote ou sans, comme elles voulaient ! Celles qui voulaient avorter étaient aidées, celles qui voulaient garder leurs p'tits étaient aidées... Tout ce que j'peux t'dire, c'est que c'était beaucoup plus que ce qui se faisait chez la concurrence.
Comme dans le bordel que gérait Jaeger, par exemple. Bordel appartenant au fameux Victor, dont Kafka ignore encore, à ce jour, les liens de parenté avec Danuta... Le frisé, cependant, arrête de gratter mélancoliquement ses cordes pour se sortir une clope. Et, juste avant de l'allumer, il jette un coup d'oeil au "bébé", puis à la "mère".
- Ça dérange pas ?
Danuta a écrit:Danuta lui sourit avec un air paisible, celui des femmes épuisées mais heureuses d'être maman.
"Vas-y, c'est pas comme si on était envahi de fumeurs ces derniers temps..."
Elle l'a écouté, tout en posant son regard, tour à tour sur Kafka pour acquiescer, et sur son bébé, à qui elle donne un sein rond à boire. Du moins, ça doit le faire dans sa tête à elle... En vrai, c'est juste étrange... Encore plus quand elle commence à chanter une contine assez gaie :
"Pute & Mac !"
"Mac & Pute !"
"Deux amis pour la vie, toujours ils s'entraident, l'un les protège, l'autre ramène du bibi !"
Le chant se termine enfin.
"D'accord... Oui, ce bar-là... Oui, il était pas mal, j'y avais une copine là-bas ! Jaeger aimait les filles, en plus, elle a été correcte avec elles. C'était mieux qu'avant, avec l'ancien proprio. Toi... Toi tu l'aimais pas Jaeger, c'est ça ? Tu avais des conflits d'intérêts avec elle ?"
Kafka a écrit:Il allume donc sa clope, ne s'étonnant plus de la voir donner le sein à un bout de plastoc ou même lui prendre parfois la température. Après tout, si rien n'a de sens, on peut bien donner la valeur qu'on veut aux choses, de plastique ou de chair quelle importance ? Providence a bien une certaine forme d'affection pour les cailloux qu'elle trimballe... Non, c'est plus quand Danuta se met à chanter qu'il s'étonne. Puis se marre. Cette fille est complètement folle. Et, au final, ça lui a toujours plu. Enfin il hoche la tête, avec une petite moue, quand elle aborde le sujet de la Directrice.
- Aaah Jaeger... C'est elle qui m'aimait pas, faut croire...
Il soupire avant de remettre sa clope au bec et se se remettre à jouer sur sa classique...
- J'montais les échelons, si tu veux... J'suis passé de p'tit dealer à plus ambitieux quand j'suis sorti de la case prison. Jaeger a pas suivi l'même cursus. Disons qu'elle a fait les bonnes rencontres... Enfin, je les lui laisse, hein, mais bon... En tous cas, en prenant d'l'ampleur, mon nom a commencé à se faire entendre dans les sphères où elle évoluait, comme on dit. Du coup, on a commencé à mater ce que je foutais d'un autre oeil. Et ça se peut bien que je lui ai piqué quelques-unes de ses filles, grignoté des parts de marché, quoi... Mais c'était rien d'personnel, tu vois ? J'faisais mon beurre, ça allait pas plus loin. Z'ont pas aimé, c'est certain. Un soir, les deux glands tombés du même chêne qui bossaient pour elle... enfin "pour elle"... bref... Un soir, ils me sont tombés dessus pendant que je sortais mes poubelles. Putain d'merde, aucun respect... ni honneur. M'ont assomé et jeté dans l'coffre, j'suppose... J'me suis réveillé avec un putain d'mal de crâne, dans une cellule dégueulasse. J'étais bien paumé...
Il marque une pause, arrêtant de jouer, durant laquelle son regard encore plus noir que d'habitude, semble se perdre dans des souvenirs pas reluisants... Nouveau soupir.
- Jaeger a pas tardé à se pointer. Toute fière. Hautaine. Ecrasante... foutue connasse. J'étais devenu un obstacle, qu'elle m'a dit. Et là, sous clé, au fond de cet hopital de merde, ben je l'étais plus... Sa façon à elle de gérer les obstacles. D'ailleurs, les cellules voisines étaient aussi occupées par des obstacles pour Jaeger. A droite, le directeur de l'hosto. A gauche, Jansen... La frangine. Mais tu connais plus ou moins la suite, j'pense, non ?
Danuta a écrit:La musique berçait autant la mère que l'enfant, et oui, la techno a cet effet chez certains.
Surtout que c'était dur à entendre toutes ces histoires, ces vacheries, cette cruauté. Finalement, c'était pas le jour pour sortir le composte de son tonneau... Ca puait encore trop. Danuta balaya ces idées noires en secouant sa chevelure froissée. Elle sourit à son bambin innocent avant de reprendre :
"Et t'as jamais eu d'enfant toi, Kafka ? Enfin... Tu n'en as jamais parlé, peut être que tu veux pas... T'as quel âge d'ailleurs ? Je saurais pas te donner d'âge... "
Changement de sujet...