La chute du chérubin

Oui évidemment, ça braille !

Et si il y a bien une chose que Tessa ne supporte pas c'est quand ça braille !
à fortiori si ça braille plus fort qu'elle !

Elle ne les avait pas lâché des yeux, toujours calés dans les jumelles, il n'y avait plus que cela à faire maintenant.

Et puis avec son ventre qui s'arrondissait, soulever des pneus et autres foutreries ça devenait compliqué.

Vivement que cela se finisse, elle refourguerait le rejeton à Danuta qui rêvait de pouponner, là elle aurait du réel, du concret.
Elle ne dirait rien, ils pourraient l'adopter et le gosse penserait que ce serait ses parents, heureusement qu'Akio était brun !
Bon par contre s'il récupérait les frisettes de son père ce serait une autre histoire...
Mais voilà, chaque chose en son temps. Si ça se finissait un jour.

Et le temps à présent c'était celui de descendre du mirador et d'aller cueillir, euh, non, accueillir comme il se devait le nouveau venu ! Surtout que le nouveau était dans une drôle de posture, d'où donc il débarquait ce type ? un acteur de théâtre ou quoi ? faire la révérence...pfff, elle allait lui montrait....
Moins agile, mais toujours aussi rapide, elle dévale la volée de marches qui la séparent du sol et lance à la main elle va jusqu'à l'entrée, débloquant le cadenas de la grille montée entre les deux wagons, histoire de donner l'impression d'un campement sécurisé...un peu.



"Poutana ! y é pas la peine dé brailler commé ça !
Y a papé Tobias qué fait la siesta !
On vous entendrait à dix bornes à la rondé, en plus avec lé vent d'est, ça porté biené quoi !"


Puis elle reluque le gamin qui se tient "debout" et le sourire aux lèvres, plus parce qu'elle connaît la suite des idées qu'elle a en tête que par charité chrétienne et sympathie, chasser le naturel, il revient au galop !
Elle baisse sa lance et s'avance vers lui en lui disant :


"Tessa, c'est moi,

ma tou dévrais t'en souvénir la prochainé fois !"


et là dessus de conclure en lui posant un bon gros smack retentissant sur la bouche, tout en lui tenant la nuque de sa main gauche !
Le genre qui vous laisse sur le cul, le genre cubain, torride, le genre brune suave, le genre qui te souhaite la bienvenue quoi, du grand Tessa !

Là dessus elle se marre, passe la main sur son petit ventre et leur dit :

"allé y é vais vous faire visiter lé propriétaire !
et attenzioné, c'est moi qui est installé la douché !
alors pas dé critiqué sinon c'est l'aqua fresca !"


Et de les regarder en attendant que ça réagisse un peu.

Elle aurait pu rire, mais fallait pas pousser non plus.
Elle se retourne juste assez vite pour le revoir se lever d'un bond, emportant encore le sable avec lui et lui dit :


"eh, gringo, si tou veux oun petit souvenir dou coin tou devrais attendre d'en repartir pour piquer dou sable tout dé même ! promis y é té donnerai oun bouteille vide ! "

Puis à l'attention de Mayanne :

"mais tou sais tou peux rester, c'est vrai qu'à ton arrivée, yé n'ai pas eu le temps dé té faire visiter, y étais pas en grandé forme...
après pour les plantes, tou fais commé tou veux, mais y é crois surtout qué pour la prochaine fois tou devras mé remplacer pour bricoler oun truc...depouis le temps, oun mortier et oun pilon seraient pas mal pour broyer les herbes...enfin on verra ça..."


Puis à l'attention de Cody :

"bon tou t'en es remis on peut y aller ?"

Et sans plus de cérémonie ni vraiment attendre de réponse, après tout comme on dit : qui m'aime me suit, elle poursuit donc la visite, allant vers les caquettes, gallinacés à plumettes pour y trouver Danuta .


Elle arque un sourcil à sa demande, relevant l'oeil gauche et un "what" muet se lit sur ses lèvres, tandis qu'elle tourne la tête vers le wagon ouvert de la Providence...
Est - ce que c'était forcément le moment pour lui dire qu'elle l'avait vu partir et riper les galoches à la vitesse grand V aux premières lueurs du jour ?
Dilemme....
Dire non et passer pour une mauvaise surveillante, dire oui et créer un nouveau coup de massue en plus de la mort de Kafka ...

Alors elle préféra feinter la réponse en lui criant  :

"Attentioné ! lé poulé là, va sortir !!"

Et heureusement pour elle, la Rousse, la grosse poule couleur de feu, envisageait justement de se faire la malle, de prendre la tangente, de se faire la belle, de s'envoler...merci poulette !

Oh my god ! OH MY GOD !
Putana ! MA PUTANA !

Voilà les mots qui se bousculaient au portillon mais qui n'arrivaient pas à franchir le seuil de la gorge de la brune.
Non mais c'est qu'il était sanguin le type ! pour pas dire totalement bargeot !
Sérieux, t'arrive chez les gens et tu décapites leur poule comme ça ?
P'tain sa mère l'avait bercé trop près des murs ma parole.

Du coup Tessa regardait la poule morte, ou encore un peu en vie...finalement un peu comme Kafka d'ailleurs...mort mais un peu en vie....

Puis Danuta intervint, le regard obsidienne en disait long et pour sûr le petit nouveau n'avait pas réussi son entrée ...
et Tessa finit par sortir de sa torpeur, quittant le mini volcan qui était en train de cracher encore sa lave sur le sol.

"Ma tou es un couillonné toua ma parole !
Tou crois qué tou peux arriver ici et touer oun poulé commé ça !
Ma madré de dios !
y é vais dévoir tou t'expliquer ma parolé !
Tou sors d'où toua, faut pas niquer....enfin si, ma faut pas niquer les poulé !
Tou va devoir le préparer pour lé manger maintenant !
Après y é té montrerai où tou iras té doucher !"

Et de finir sa phrase en se passant la main sur la tronche comme pour en faire tomber les images qu'elle venait de voir.

L'hémoglobine avait eu raison d'elle depuis qu'elle avait vu Kafka avec le pieu dans le bide, à croire qu'il avait voulu jouer à Buffy chasseuse de vampire et qu'il s'était empalé lui même, ah....Dracoula.....ma Dracoula il l'avait oun peu dans le coul là....
et à l'inverse, quoi que autant d'un coté que de l'autre, Tessa aussi...

Elle n'avait jamais pensé finir mère et encore moins mère célibataire... heureusement que l'accident n' était pas survenu dans le poulailler, sinon les poules auraient probablement commencé à becter leur maître....rien ne se perd....rien ne se perd....

Et de conclure en lui collant un coup de coude :

"alors ! tou t'active oui !"

"Ma tou va cesser dé mé regarder commé ça Danuta !
Y é né vais pas préparer le poulé !
Ma y é vais juste entrainer le Cody Mac vers notre lusssueuse couisine !"

Et là dessus de le prendre par le bras pour clore le débat, traînant, le bras, le torse, les jambes en coton et la poulette sans tête vers sa destination finale.

Ils auraient le temps de le cuisiner aux petits oignons en dégustant son plat et de lui couper la main s'il n'était pas ou de le remercier s'ils faisaient bonne ripaille !

Pendant qu'elle marchait vers la cuisine ouverte, un sourire carnassier étira sa bouche mais le cher Ubin n'en vit rien.




"aller ! ma tou va devoir faire des merveilles !
tou va té débrouiller,
y é dois aller faire pipi, là...tout de suite !"

Et d'agiter la main vers le plan de travail pour qu'ils prennent place.